spirituel ou non ?

Pour faire suite au billet "aux despotes de tous bords".

Il est toujours stupéfiant de voir comme le pouvoir et l'appât du gain peut transformer les hommes. Notre nature dispose des qualités comme des défauts les plus extrèmes. Il y a des milliers d'années, l'homme n'est certes pas grand chose face aux forces de la nature et aux autres animaux. La Bible, dans laquelle il ne s'agit pas forcément de croire, m'a toujours interpellé sur l'épisode de Caïn et Abel, de ce premier fratricide de l'histoire. Que Dieu existe ou pas. L'homme, celui dont nous descendons à bien tué un autre lui même. L'interrogation est forte sur la personnalité de l'un et de l'autre, mais je me suis toujours dit que de Cromagnon et de Néandertal, l'un survit et l'autre pas. Le Chasseur ceuilleur disparaît au profit du matérialiste, du transformateur, du créateur...

Animal social ou être peureux, faible parmi les faibles pour qui l'union est la force et la survie. L'homme n'a malheureusement de cesse depuis ce temps que de prendre le pas sur son frère, que de maîtriser, esclaver, brimer, dominer son autre soi-même. La notion même de pouvoir s'appuye non sur la sagesse et l'ancienneté, la connaissance et la maîtrise, l'exemple  et la protection, mais sur la domination, la conduite de l'autre, l'autoritarisme au détriment de l'autorité. Nous sommes bien loin de ces civilisations, où le pouvoir représentait la charge suprème, l'abandon de soi pour la cause commune, pour le bien et la protection du peuple dont l'on avait la charge, encore faut-il parfois les chercher parmi le nombre, ces civilisations et les comprendre.

Au milieu de tout ce temps, de ces contextes sociaux, vit et se développe depuis toujours la création, pratique, utilitaire, artistique, spirituelle, mais aussi meurtrière. J'ai toujours été interrogatif devant ce mystère de la nature humaine qui amène, qui pousse l'homme à façonner de ses mains la vue de son esprit, à matérialiser sa spiritualité. Il serait bien faux de croire que la spiritualité n'est liée qu'au domaine religieux. Elle s'attache étroitement au travail des matières et des mains, au sens de certaines actions et aujourd'hui par extension au travail de l'esprit, au travail de l'auteur, au créateur, quel que soit son sujet. En ce sens le droit précise bien la notion "d'oeuvre de l'esprit" et confère alors à son auteur un droit de paternité inaliénable sur celle-ci. La marque, le chemin pour les génération futures est alors en place, l'exemplarité est là. La spiritualité des créateurs élève les générations vers l'autonomie, l'exemple devient support de progression, la vie gagne sur la mort ou la génère !

Mais il est triste de ce rendre compte que cette remarquable chance qui est ainsi donnée à l'espèce humaine, est vite bafouée, déviée, volée et usurpée par le et les pouvoirs en place au fil des siècles. Ainsi, naît l'art dans sa notion contemporaine de l'artiste marchand de lui-même et de son produit. Ainsi naît le galvaudage et le défroquage de la spiritualité créatrice au profit du mercantilisme de circonstance artistique. Il est frappant de regarder la différence entre les gens qui se disent et se vendent artistes et ceux non moins présent, mais plus discrets qui se disent et se vendent auteurs ou créateurs. La différence est flagrante et interpelle !

Mais voilà, l'art est aujourd'hui économique et a généré un marché autour duquel se sont regroupés des gens dont le discours initial est bien éloigné de la situation actuelle. Il fût un temps ou l'argument d'accompagnement, de soulager le créateur pour lui laissé le temps de créer était justifié et réalité. Quand est-il aujourd'hui ? Une main mise sur la création, un appauvrissement des oeuvres de l'esprit, une surenchère au rêve économique du vedettariat, un système tentaculaire qui bride, bloque, empèche la libre diffusion des oeuvres de l'esprit pour gagner plus d'argent, une hérédité de l'art, quand hier c'était des rois.

Aujourd'hui, les forces progressives de la création sont en danger. La loi DADVSI est passée comme beaucoup (ou peu d'entre vous) le savent. Aujourd'hui devant cette loi riche de conséquences dans l'entrave possible aux libertés numériques, aux vrais respect des droits d'auteur, aux gestes désintéressés, aux choix d'un autre système de partage, de travail, de collaboration humaine dans la création quel qu'en soit le sujet, par les ouvertures possibles qu'elle donne au pouvoir économique des multinationales, dans la porte ouverte à la répression, dans les possibilités extrapolables pour nous tous hommes et femmes  de perdre l'accès à un outil d'expression, de dialogue vecteur de démocratie, pour la foule de possibilité d'entrave à l'accès à la diffusion pour l'auteur, le créateur, mais aussi pour l'auditeur dans la diversité et l'expression de ses choix. Pour tout dire la perte de la spiritualité de la création.

Ces soixante dernières années ont vues un progrés fabuleux dans la démocratisation des outils de création non matériel. Je précise, la photo, la musique, l'informatique, l'infographie, etc... sont pour moi des arts non matériel, mais des arts de l'instant, de l'éphémère, de l'esprit. Ils sont porteurs d'une philosophie, d'un message, symbole d'un mouvement, d'un état d'esprit, d'une révolte... A l'inverse et sans jugement, la peinture, la sculpture, le dessin sont des arts matériels, liés au travail des mains médiateurs de l'esprit. Ceux-ci aussi ont évolués avec l'apparition des grapheurs, des tageurs etc... qui eux aussi symbolises des idéaux. Dans tous les cas et sans discrimination, ils doivent participer dans la lignée de l'expression de leur ancètres à l'élévation de l'individu, à son bien être et non à son asservissement.

Aujourd'hui, c'est tout cela qui est en danger, si ce n'est là, ce sera pour demain. Malraux a dit, "Le vingt et unième siècle sera spirituel ou ne sera pas."  Spectateur puis aujourd'hui acteur de ces années de progrès, j'en apprécis la richesse qu'elles offrent sur le plan de l'expression, sur la modification des comportements qui naissent avec le temps et l'usage, sur l'évolution de notre société qu'elles entraînent, sur le droit à la parole offert à chacun.

Travaillant depuis de nombreuses années avec la jeunesse, je l'ai vu évoluer pour certain en bien, en émancipation  et en maîtrise de ces médiateurs, pour d'autres en êtres asservies. Dans tous les cas, il appartient à chacun d'assumer son comportement face à cette modernité, mais il n'appartient pas au pouvoir et à l'économie de briser la marche en avant qu'ils ont eux même lancé, il y a une éternité. Quand le progrès échappe au système celui-ci de tout temps fait marche arrière en bridant le peuple qui avance. L'immobilisme et la mort sont favorable aux êtres de pouvoir...

La spiritualité du 21e siècle se construit aujourd'hui dans les soubresauts de notre temps. Quels en seront les fruits nous ne le savons. Mais nous ne pouvons accepter que l'on abatte l'arbre avant qu'il ne soit mature. Le fruitier couvert de fleurs offre au regard la multiplicité d'une identicité parfaite (voir billet plus bas) Seul le temps fera de ces fleurs parfaites des fruits différents, comme la vie fait de nous, les hommes, des êtres différents. En cela s'exprime et s'exprimera la spiritualité des temps futurs, dans l'action et la création, dans l'aventure de l'expression individuelle s'affirmera avec le temps les identités communes. Dans le partage et l'humilité de l'exemple s'affirmeront les valeurs de demain.

Encore faut-il des exemples messieurs les politiques !

Alors laisser nous vivre.

Bonne nuit...

Le 7 mai, à Paris,  Marche pour les libertés numériques, contre DRM et DADVSI.

site de l'alliance public artistes : http://wwwlalliance.org/page/1_1.html