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jean-fred
26 octobre 2006

Légende ou vérité des tailleurs de pierre.

Il y a dans les milieux des bâtisseurs, et entre autre celui du compagnonage, une histoire symbolique que l'on raconte parfois le soir aux apprentis.

Il était une fois un homme qui se promenant dans une ville entend des bruit d'outils sur la pierre, curieux, il cherche l'origine des bruits d'outils et de dédales de ruelles en dédales, il parvient à une placette où travaillent trois hommes, trois tailleurs de pierre.
Après un temps d'observation, il s'approche du premier et lui demande :
"Que fait vous ? mon brave." et l'homme de lui répondre "Celà se voit, je gagne ma vie !",  "Ah, bien sur." répond notre homme. Puis il s'approche du deuxième et lui pose la même question :
"Que fait vous ? mon brave" et l'homme de lui répondre "Ben, celà se voit, je taille une pierre !", "Oui, c'est vrai" répond notre visiteur. Puis, ses pas le mènent vers le troisième homme à qui il demande :
"Et vous mon brave, que fait vous ?" et l'homme de lui répondre "Et bien moi avec les copains, nous construisons une cathédrale !"

La conclusion attachée au milieu compagnonique fait dire, alors : "le troisième était un compagnon !"  Mais, il est, aussi, possible d'affirmer que le troisième, au delà de la simple maîtrise ouvrière et technique, était aussi un concepteur, un maître d'oeuvre, un créateur conscient du sens de son geste et de son engagement au delà des considérations bassement matérielle de ce monde. Qu'il était porteur d'un projet plus ambitieux que ses confrères. Que sa science le rattachait à la longue chaîne des constructeurs qui depuis que l'homme a su empiler deux pierres, fait qu'il n'a eu de cesse de bâtir, pour les puissants ou les Dieux, certes des demeures d'orgueil, mais aussi des demeures porteuses d'espoirs, appellant à l'élévation, à la dévotion et offrant à chacun la possibilité de se transformer. Le troisième était peut être simplement un homme avec plus de conscience de sa nature d'homme et de sa place dans l'équilibre fragile de notre univers, de notre société.

Un sur trois en un temps où les valeurs n'étaient pas celles d'aujourd'hui. Où l'amour du geste et du travail bien fait était présente dans l'esprit de l'entreprenant. Où le dévouement pour une, les, des causes avaient encore un sens. Un temps, où les symboles profonds, que mettait en oeuvre l'initié, s'attachaient à la recherche de la quintessence, de la transformation individuelle et collective, mais aussi, un temps où l'homme savait se souvenir et respecter le travail de celui qui était passé avant lui, qui avait fait avant lui, qui avait donné naissance avant lui.

Ce temps n'était pas passéiste, sachant s'appuyer sur l'oeuvre des anciens, tout en reconnaissant leur travail et la qualité de leurs oeuvres, il savait construire l'avenir, faire preuvre d'originalité, de créativité pour les générations futures, parce que les valeurs qui les partaient étaient les mêmes. Parce qu'ils savaient que sans ceux d'avant ils ne pourraient poursuivre et développer l'oeuvre pour la isser vers les sommets que leur morale recherchait.

Ce temps, bien que lointain, existe encore dans notre monde, mais dans l'ombre, il n'a plus sa place au soleil. L'hypocrisie, la surestimation, l'incompétence, l'orgueil, la bétise, la dénégation du créateur et du manuel ont brisé la chaîne ancestrale. Les pères n'acceptent pas leurs enfants, les enfants réfutent leurs pères. Alors, les constructions de notre temps, qu'elles soient physiques et matérielles, morales, intellectuelles et philosophiques, ou simplement politiques, ne tiennent plus debout.

On accorde au XIIIe siècle la naissance du mouvement corporatiste qu'est le compagnonage. Celui-ci est issus des grands mouvements de bâtisseurs où les ateliers étaient constitués en loges avec règlement, signes de reconnaissances et hiérarchie. Mais, le compagnonage s'institue surtout comme une réaction à l'héréditer de la maîtrise, à savoir sa transmission de père en fils et non plus au mérite professionnel et aux degrés de savoir dans la science du bâti, le trait et sa symbolique.
Alors se sont fermées les portes de la connaissance pour les maîtres. Dans le compagnonage la notion de maître n'existe pas, apprenti ou aspirant, compagnon et compagnon fini sont les degrés hiérarchiques de cette société qui reste aujourd'hui, au delà de sa vocation technique et professionnelle, une société initiatique basée sur la symbolique de l'art de bâtir  et sur la pratique d'un métier et les savoirs ancestraux qui lui sont liées. La seule alternative des maîtres fût la constitution d'Ordres initiatiques parralleles, dits ésotériques, ouverts aux grands et aux intellectuels, aux maîtres et aux notables, à ceux qui avaient perdus la science. Ordres Rosicruciens d'abord en France suivi d'autres, puis à partir du XVIIe siècle la Franc Maçonnerie, en Angleterre et en Ecosse, puis en France.
La Franc Maçonnerie est Inspirée des loges opératives de Free Mason, issues du XIIe siècle en Angleterre et Ecosse. Ces loges ayant acceptées de s'ouvrirent au milieu non professionnelle, elles furent bientôt pénètrées et dépassées, donnant naissance à la Franc Maçonnerie spéculative que l'on connait aujourd'hui. En France, le cheminement semble différent, le compagnonage ayant gardé "force et vigueur" jusqu'à aujourd'hui et étant resté "fermé",  la Franc Maçonnerie a surtout pénètré les milieux nobles et bourgeois en mal de sens et de spiritualité, avec des caractéristiques strictement française, puis une ouverture s'est effectuée  vers le monde spéculatif anglo-saxons (rites, rituels, tutelle, inspiration d'organisation des obédiences...).

Dans tous les cas, les points communs entre le compagnonage et les free masons anglo-saxons restent et resteront, encore longtemps, le fait d'être constitué d'hommes libres, porteurs de savoirs ancestraux, amoureux de leur métier, mais également et grâce peut être (?) à la Franc Maçonnerie, soucieux des hommes et oeuvrant pour l'avenir de l'humanité dans le respect et la pratique de la fraternité universelle.

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jean-fred
  • poésie, musique, photos, chansons, pensées, expression, taille de pierre, sculptures, philosophie, etc... Un blog pour parler de ce qui me passionne, mais aussi de ce que je découvre à droite à gauche, de la richesse de la vie, de l'action et de la créatio
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